La Main et le Clavier

Comment appréhendons-nous le clavier ? Il est l’interface obligatoire entre notre pensée musicale et l’instrument, ce trait d’union, cette machine à touches contre laquelle nous luttons parfois désespérément.

Essayons de nous remémorer nos premières impressions face à lui : tant de pouvoir avec un seul doigt sur une touche, mais tant d’appréhension d’appuyer sur la mauvaise… Le clavier impose sa loi ; la rectitude des ses feintes et naturelles nous impressionne et nous force à de multiples contorsions. Notre main, bien « humaine », nous semble mal adaptée à l’égalité de ses touches.

Comment jouait Bach, Buxtehude ou encore François Couperin, comment « prenaient-ils » le clavier ? Il nous reste quelques témoignages, des traités parfois, mais ne sont-ils pas souvent déroutants ?

François Couperin dans son ouvrage « L’Art de toucher le clavecin » recommande de s’asseoir en oblique par rapport aux claviers ! D’autres imposent une absolue immobilité de la main, pour ne retenir que l’action des doigts…

« Utiliser la main pour ce qu’elle est physiologiquement parlant, à savoir une pince naturelle opposant quatre doigts au pouce, et non pas un jeu de maillets percussifs … » nous dit Bertrand OTT (« Liszt et la pédagogie du piano » Edition Arts Christine Paquelet).

On ne joue pas du clavier qu’avec ses doigts. La main, le poignet, l’avant-bras et le bras doivent participer harmonieusement au jeu. La main est une pince au bout d’un bras articulé.

 

La suspension

Avant de poser les mains sur le clavier, il faut alléger l’ensemble bras, avant-bras, main. Cette suspension partira du bras pour se propager à l’avant-bras par le coude, le poignet puis la main.

Pourquoi « suspendre » ? Pour doser l’énergie et pour éviter toute compression (toujours néfaste). Exercice : laisser tomber l’ensemble bras, avant-bras, main, puis annuler cette pesanteur en allégeant progressivement comme indiqué précédemment.

 

Poser la main

Une erreur courante consiste à adopter une position initiale de la main sur le clavier pour conserver à tout prix celle-ci (à de rares concessions prises). Rien de tel pour engendrer des crispations et créer des limites. La main ne doit pas rester figée. C’est prendre le problème à l’envers : c’est le geste (ou l’ensemble des mouvements tendant vers une même action) qui va donner sa, ou plutôt ses « positions » à la main et non l’inverse.

A partir d’une attitude (plutôt que position) de départ, elle entre en mouvement.

Les doigts ne poussent pas les touches, au contraire, ils adhèrent au clavier en des empreintes larges de leurs pulpes pour permettre à la main de saisir les touches et amorcer la tirée du bras. Il faut tirer le claviers vers soi. La tirée et la resistance (du clavier) vont établir un équilibre, un point d’encrage grâce auquel il est possible d’obtenir une vraie stabilité alimentée par une énergie toujours présente.

 

Les pièges à éviter

Le maintien d’une pression constante sur la main (poignet bloqué)

Conséquence : les muscles finnissent par se tétaniser, la main souffre, les douleurs apparaissent. Un entêtement dans cette direction a des conséquences non seulement physiques (douleurs, crampes et tendinites) mais aussi psychologiques : la musique se vit dans l’effort douloureux, la résignation et le découragement ne sont pas loin…

Le jeu exclusif des doigts et l’immobilité de la main

La force d’action d’un doigt est faible. Si sur des claviers très légers, un jeu basé uniquement sur l’articulation digitale peut sembler une solution, la chose devient ingérable dès que ces conditions changent. Les déplacements sur le clavier ne s’effectuent plus alors de manière naturelle. la main traine l’avant-bras et le bras devenus inutiles et sujets à crispations.

 

Enfoncer une touche, un geste simple , apparence seulement…

Jeu tiré

Le principe est d’abaisser la touche en tirant l’ensemble « doigts-avant-bras-bras » vers soi. Le doigt est rapidement freiné quant il atteint le fond de la touche. A cet instant clé, la « tirée » doit cesser laissant place au relâchement de l’ensemble « doigts-avant-bras-bras ».

Conséquence : le doigt se dégage vers l’avant et remonte souplement en même temps que le « dos de la main »

Le poignet va enclencher l’attaque de la note et participer toujours souplement au dégagement du doigt. Son rôle est primordial, c’est le poumon de la main.

A suivre…

 

Les commentaires sont clos.